LES ENCRIERS SIPHOÏDES CHAULIN
Avec une ouverture réduite, ils permettent de limiter l’évaporation de l’encre en réduisant son contact avec l’air, et éviter ainsi qu’elle ne s’épaississe et forme des dépôts.
Au XIXème siècle, l’écriture devient l’outil essentiel de la communication, sa démocratisation est liée à plusieurs facteurs.
Les réformes éducatives impulsées par GUIZOT et JULES FERRY rendent l’éducation gratuite, laïque et obligatoire, et ouvrent un large accès à l’écriture. Les progrès techniques liés à la Révolution industrielle favorisent les innovations. La machine à vapeur qui est introduite en France en 1830 permet l’industrialisation de la production, et ouvre la voie à la fabrication mécanique des plumes métalliques qui vont progressivement se substituer à la plume d’oie. Ces plumes vont permettre de s’affranchir des contraintes de la taille, et faciliter ainsi l’écriture. Le développement du commerce et de la finance liés à ces changements économiques , favorise l’avènement d’une bourgeoisie d’affaires pour laquelle l’écrit représente le support obligé de toutes les activités.
Les inventions se succèdent pour résoudre le problème que pose l’utilisation de l’encre dans un encrier ordinaire
Les recherches visant à améliorer la fonctionnalité des encriers conduisent à l’apparition des encriers dits « à système » qui ont pour but de soustraire l’encre à l’action de l’air qui la décompose lentement.
Les encriers à pompe auxquels Louis Honoré BOQUET (brevet de 1831) a attaché son nom connaissent ainsi un grand succès, mais en 1836 un nouveau venu, Noël Pierre CHAULIN vient interpeller le commerce des encriers à pompe avec un nouvel encrier dit Siphoïde
Les deux maisons font beaucoup de publicité pour vanter les mérites de leur encrier.
L.H. BOQUET ne voit pas d’un œil bienveillant la venue d’un nouveau concurrent qui, pour obtenir une meilleure conservation de l’encre, a développé un système, somme toute assez simple, donc beaucoup plus économique à la fabrication.
Il essaie de maintenir le privilège des encriers à pompe, mais il ne peut ignorer ce nouveau venu, et il se croit obligé de préciser dans une publicité de 1843,
« Ne pas confondre avec l’encrier siphoïde qui se vend en face »
Malgré tous ses efforts, l’encrier siphoïde va s’imposer par rapport à l’encrier à pompe qu’il va finalement supplanter : répondant aux mêmes exigences, il est beaucoup plus économique et correspond donc mieux aux besoins d’une population où l’écrit se démocratise.
Noël Pierre CHAULIN (1789-1836) est issu d’une famille de marchands papetiers qui s’illustrent dès le 18ème siècle.
Au 19ème siècle, ils sont référencés comme papetiers du Roi, de la Reine et de la famille royale.
Le 17 Août 1836, N.P.CHAULIN dépose une demande de brevet et de perfectionnement de 10 ans, pour
« Un nouvel encrier à niveau constant, appelé encrier siphoïde préservant l’encre de toute évaporation et de tout dépôt en la maintenant toujours richement colorée et très coulante »
Mais il décède la même année, tandis que son brevet ne sera validé que le 3 février 1837. Les activités de la maison CHAULIN perdurent néanmoins au-delà de cette date, comme en témoignent différentes publicités datées de 1840 et de 1843 qui situent la maison CHAULIN, 218 rue St Honoré au coin de la rue de Richelieu, près le Palais Royal, et qui précisent encore que ces encriers sont également proposés par les principaux papetiers.
En l’état de nos connaissances, nous ne pouvons apporter d’autres précisions sur ses successeurs.
Le brevet que CHAULIN dépose en 1836 s’inspire des encriers « à la romaine » (Photo ci-contre)
Ces encriers qui ressemblaient à un abreuvoir à oiseaux mais dont l’usage permettait de limiter l’évaporation de l’encre en réduisant son contact avec l’air.
Ils présentaient pourtant de graves inconvénients: sous l’effet de la chaleur, l’air et l’encre contenus dans le réservoir se dilataient, et ces encriers débordaient donc facilement lorsque la température augmentait.
Qui plus est, fabriqués en verre soufflé, leur fragilité rendait leur usage délicat.
Les encriers CHAULIN vont remédier à ces inconvénients, (Brevet ci-contre)
« Monsieur CHAULIN a voulu parer à ce défaut. Pour cela dans l’encrier siphoïde, il a élargi la partie inférieure du réservoir, et a considérablement diminué la partie supérieure du même réservoir, il a élevé et allongé la tubulure.
Par suite des avantages que présentent ces modifications, l’encrier siphoïde de Monsieur CHAULIN peut revendiquer à juste titre la préférence, l’encre s’y conserve bien et se présente convenablement à la plume »
Pour rendre compte de l’utilité de l’encrier siphoïde CHAULIN, l’Académie de l’Industrie a fait procéder à une expérience: Différents encriers ont été remplis d’encre, dont l’encrier siphoïde CHAULIN. Sa tubulure qui est habituellement fermée par un petit couvercle est restée volontairement ouverte de façon à ce que l’encre reste constamment exposée à l’air
« Tandis que l’encre, au bout de deux semaines se trouvait être plus ou moins bourbeuse, celle introduite dans l’encrier siphoïde de Mr CHAULIN, n’a pas été un seul instant, altérée le moins du monde »
La commission qui a procédé à cette expérience, dans le cadre de la 9ème édition de l’exposition des produits de l’industrie française, qui a réunit 3281 exposants aux Champs Elysées du 1er Mai au 29 Juin 1839, pourra donc affirmer que : « Leur forme préserve à la fois de la poussière et de l’influence de l’air l’encre qui s’y conserve toujours fluide et claire sans exiger ni soin, ni entretien. Ils ont atteint le perfectionnement qui manquait à la Romaine et aux autres encriers du même genre dont la structure imparfaite ne remédie pas à l’évaporation et laisse déborder l’encre. Les encriers siphoïdes de Monsieur CHAULIN sont les meilleurs qui aient été encore faits »
Il obtient une mention honorable. Pour ses encriers, la maison CHAULIN se prévaudra encore de l’obtention d’une médaille d’argent décernée par l’Académie de l’Industrie.
L’encrier siphoïde CHAULIN connait un grand succès, il est adopté dans plusieurs administrations, entre autres dans les bureaux de la maison du Roi, de l’intendance générale de la liste civile, et du ministère des finances.
Pour identifier ses encriers parmi toutes les imitations qui utilisent le principe siphoïde, la maison CHAULIN précise sur ses publicités que : « Pour prévenir toute erreur, les VERTITABLES encriers siphoïdes porteront tous l’indication CHAULIN BREVETE »
L’encrier siphoïde CHAULIN se compose d’un réservoir dont la partie supérieure simule un bouchon hexagonal qui permet sa préhension.
Cette forme est caractéristique des encriers produits par la maison CHAULIN. Le réservoir communique par le bas avec un tube latéral dans lequel on puise l’encre.
REMPLISSAGE & FONCTIONNEMENT
Lorsque le réservoir est vide, et qu’on veut le remplir, on verse l’encre par le tube latéral en inclinant l’encrier, de manière à ce que l’air contenu dans le réservoir puisse s’échapper par le tube latéral, au fur et à mesure que l’encre s’y introduit. L’encrier est en partie seulement rempli d’encre, pour conserver de l’air dans la partie supérieure. Supposons maintenant le réservoir entièrement plein d’encre, et inclinons le légèrement : une ou plusieurs bulles d’air, s’introduisent par le tube latéral, viennent se loger à la partie supérieure du réservoir, et déplacent une quantité d’encre correspondante qui reflue dans le tube latéral, où on la fait ainsi monter à hauteur convenable.
A mesure que l’on puise de l’encre, le niveau baisse dans la tubulure et arrive peu à peu jusqu’à l’orifice. Alors une bulle d’air passe dans l’encrier et en chasse un volume de liquide égal ; il en résulte que le niveau baisse dans l’encrier et monte dans la tubulure.
La diversité et la qualité des encriers CHAULIN n’échappent pas au jury sur les produits de l’agriculture et de l’industrie exposés en 1849, qui rapporte que « la forme des encriers CHAULIN est très variée, qu’il a exposé des modèles riches et élégants en porcelaine et bronze doré dont l’exécution est très soignée » et qui lui accorde une nouvelle mention honorable.
En effet, Les encriers CHAULIN, peuvent prendre un aspect luxueux, leur permettant de rivaliser avec les encriers à pompe les plus somptueux.
Tel notre encrier, monté sur un support en bronze doré orné à l’avant d’une coquille formant vide-poche, sur laquelle est gravé « CHAULIN breveté », et de deux repose plumes, et à l’arrière d’un râtelier faisant office de porte porte-plumes. L’encrier est en verre coloré, décoré de motifs or, comme c’est souvent le cas pour les encriers CHAULIN.
On remarquera aussi: - la forme de la fermeture haute du réservoir principal, caractéristique des encriers CHAULIN : un bouton hexagonal moulé avec le corps principal de l’encrier, qui facilite sa préhension - et la tubulure assez haute pour prévenir tous débordements.
A l’instar du modèle présenté dont le support en bronze s’adapte exactement à l’encrier, les encriers siphoïdes CHAULIN s’intègrent aussi dans des écritoires dont ils constituent la pièce maitresse. Photo ci-contre - Ecritoire 19ème siècle façon « Boulle » intégrant un encrier siphoïde CHAULIN
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